Caractérisation des fourrages pour les porcs et les volailles


Dans le cadre de l’action 2 de Valorage, 30 échantillons de fourrages susceptibles d’être utilisés dans l’alimentation des monogastriques en agriculture biologique ont été analysés. La moitié de ces échantillons sont en cours d’essai de digestibilité en porcs et en volailles dans les unités INRAE UMR PEGASE et UE EASM.

Abréviations : BT : basse température ; FV : fourrage vert ; GR : graminées ; HT : haute température ; LG : légumineuses ; LZ : luzerne ; Mix : mélange graminées – légumineuses ; MS : matière sèche ; RG : ray-grass ; RGI : ray-grass anglais ; RGI : ray-grass italien ; TV : trèfle violet
Sauf indication contraire, les teneurs indiquées sont exprimées en % de la matière sèche (% MS)

Les fourrages
Les fourrages étudiés se répartissent de la façon suivante : 3 foins, 4 fourrages déshydratés, 2 fourrages enrubannés et 21 fourrages verts. Il s’agit pour moitié de fourrages mono-espèce (15) et pour moitié de prairies ou d’associations (graminées / légumineuses / autres). Les fourrages déshydratés et enrubannés testés dans Valorage sont uniquement des légumineuses.

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Tableau 1. Liste des fourrages analysés

Les caractéristiques chimiques

Tous les échantillons ont été analysés pour l’humidité, les protéines, la cellulose brute, les fibres Van Soest et les matières minérales. La moitié des échantillons a été analysée pour les matières grasses, sucres, protéines solubles, calcium et phosphore. L’autre moitié a fait l’objet d’analyses portant sur la nature des protéines : acides aminés et azote non protéique. Il faut doit signaler que ce type d’analyse est assez rare sur des fourrages et que le travail réalisé pour Valorage est ici assez innovant.
Les données de digestibilité et de valeurs énergétiques obtenues sur porcs et volailles ferons l’objet d’un article ultérieur.
Nous nous focaliserons dans les paragraphes suivants sur les teneurs en protéines brutes, en cellulose brute, et en acides aminés.

Résultats préliminaires

Les fourrages sont par nature extrêmement variables si on les compare aux aliments « concentrés » tels que les grains/graines ou coproduits industriels. En effet, la valeur nutritionnelle d’un fourrage reflète à la fois :
• Sa nature biologique : il peut s’agir d’une espèce végétale seule ou associée à d’autres. Dans ce dernier cas, la composition floristique est déterminante. S’il est possible d’identifier cette composition d’un point de vue visuel ou par les données fournies par les vendeurs dans le cas de mélanges de semences, cela est plus difficile d’un point de vue « massique » (part respective de la matière sèche à attribuer à chaque espèce). Ce type d’information est généralement manquant.
• Le stade de maturité : la valeur du fourrage évolue au cours du temps. Dans le cas des mélanges, les plantes qui le composent peuvent être à des stades de maturité différents : par exemple, une des prairies testées dans Valorage contient à la fois des légumineuses au stade début floraison et des graminées au stade feuillu.
• Le mode de conservation : les fourrages étudiés dans le cadre de Valorage sont des fourrages frais, des fourrages enrubannés, des foins, et des fourrages déshydratés. Ce mode n’influe pas forcément sur la composition proximale, mais joue sur d’autres paramètres nutritionnels, tels que la disponibilité des protéines, l’encombrement etc.
• Autres facteurs : fertilisation, conditions climatiques (croissance, récolte) etc.

Protéines brutes

Outre la valeur énergétique, qui fera l’objet d’une présentation ultérieure, le principal critère de qualité des fourrages est leur teneur en protéines brutes, estimée ici de façon conventionnelle comme la teneur en azote minéral total multipliée par un coefficient de 6,25. La teneur en protéines, élevée dans la jeune plante, diminue quand la plante vieillit. Les légumineuses sont généralement plus riches en protéines que les graminées, mais de jeunes graminées peuvent avoir des teneurs très élevées en protéines.
Inversement, la teneur en fibres, estimée ici à partir de la teneur en cellulose brute, augmente avec l’âge. La teneur en fibres est corrélée négativement avec la digestibilité, surtout chez les monogastriques tels que les porcs et les volailles, notamment chez les jeunes animaux.
Le graphique suivant montre la répartition des valeurs de protéines brutes selon les groupes de fourrages : fourrages verts, foins, enrubannés, déshydratés.

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Figure 1. Protéines brutes

Les teneurs en protéines brutes des fourrages analysés, vont de 8,5% à 25% MS, soit du simple au triple. Cette extrême variabilité se retrouve notamment dans les prairies et les associations, ce qui montre à la fois la difficulté qu’il y a à contrôler leur qualité, mais aussi leurs potentialités. En haut du classement on trouve une prairie « technique », une prairie permanente ainsi que des fourrages de légumineuses (frais, enrubanné et déshydraté). En bas de classement, on trouve des prairies (dont une prairie « vieille »), des associations (vert et foin), un fourrage vert de ray-grass, mais aussi un fourrage vert de trèfle violet (10,1% MS, une valeur qui paraît très faible pour un trèfle).

Cellulose brute

De façon générale, à l’exception attendue de la racine de betterave (qui contient surtout des sucres, à hauteur de 59% de la MS), les fourrages analysés à Valorage sont riches en fibres, avec des teneurs comprises entre 18,1 et 36,2 % MS. Les légumineuses « pures » sont un peu moins riches en fibres que les autres fourrages (21,6% vs 23,1% MS) mais le fourrage le plus « fibreux » est un foin de luzerne (36,2 % MS). Cette valeur, bien qu’élevée, n’est pas aberrante.
Le graphique suivant montre la répartition des valeurs de cellulose brute selon les groupes de fourrages : fourrages verts, foins, enrubannés, déshydratés.

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Figure 2. Cellulose brute

Le graphique suivant montre la relation entre protéines brutes et cellulose brute pour chaque groupe de fourrages : fourrages verts, foins, enrubannés, déshydratés.

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Figure 3. Protéines vs cellulose brute

En règle générale, il y a une relation inverse entre la teneur en protéines brutes et la teneur en fibres. Dans ce cas des données Valorage, cette relation est peu perceptible du fait de la grande hétérogénéité des fourrages testés et du faible nombre d’échantillons : il faudrait pouvoir l’explorer à l’intérieur d’une même catégorie de fourrages. Il reste que l’on voit ici que la teneur en fibres est un « plancher » indépassable pour les fourrages classiques et qui constituera un limite nutritionnelle pour les monogastriques.

Acides aminés

Les mesures d’acides aminés sur fourrages sont un apport original de Valorage. Une étude plus complète de ces données, en comparaison avec les données existantes de la bibliographie, sera à réaliser.

Un premier enseignement important est que la somme des acides aminés totaux (AAT) est toujours inférieure au total des protéines brutes (PB) exprimées conventionnement comme N x 6,25. Le rapport AAT/PB varie entre 78 et 88%, avec une exception notable, celle de la luzerne enrubannée, pour laquelle cette valeur est de 67%. Si on exprime le ratio en termes d’azote (azote lié aux acides aminés / azote total), il est encore plus défavorable : ce ratio varie entre 63 et 72%, avec une valeur de 54% pour la luzerne enrubannée. Dans ce dernier cas, la teneur estimée de protéines brutes surestime largement les protéines réelles.

Ces chiffres traduisent l’existence dans les fourrages, et notamment dans les ensilages, d’une part importante d’azote non protéique qui est dissimulée quand on estime les protéines par le ratio conventionnel 6,25. Il faudra donc s’interroger sur la façon dont les monogastriques sont à même de mobiliser cet azote non protéique.

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Figure 4. Protéines brutes vs acides aminés totaux

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Figure 5. Protéines brutes vs acides aminés individuels (lysine, thréonine, méthionine)

A suivre…

Les résultats sur la qualité des fourrages obtenus jusqu’à présent dans le cadre de Valorage sont destinés à être mis en forme sous forme de tables. Il reste encore à valider les données d’acides aminés et à recueillir les données issus des essais de digestibilité. Nous devrons ensuite choisir la façon dont ces données, qui reflètent la grande variabilité des fourrages disponibles, seront présentées pour optimiser leur utilisation par les éleveurs de porcs et volailles en agriculture biologique.

Contact

Mélanie GOUJON (CA PDL), 02 41 18 60 33 - melanie.goujon@pl.chambagri.fr et Florine MARIE (IBB), 02 99 54 03 33 - florine.marie@bio-bretagne-ibb.fr