Enquête sur les pratiques fourragères des éleveurs de monogastriques bio

Action 2
Stage de Quentin LE BRICON, ESA Angers, 2022

Une enquête complémentaire aux caractérisations chimiques des fourrages pour appréhender les contraintes des fermes

Afin de compléter les travaux menés dans l’action 2 sur la caractérisation chimique des matières premières (MP) fourragères et les mesures de digestibilité de celles-ci, ainsi que d’approfondir les travaux réalisés en 2021 sur l’action 1 de VALORAGE, une enquête a été réalisée en 2022 visant à appréhender les pratiques fourragères des fermes, l’intérêt porté aux fourrages par ces éleveurs de porcs ou de poules pondeuses et leurs contraintes à la conduite de cultures fourragères.

  • Connaître les fourrages précisément utilisés dans ces élevages afin de discuter des MP analysées dans l’action 2
  • Observer les freins et les motivations à la distribution de fourrages, les avantages et inconvénients des parcours
  • Identifier les raisons des choix d’espèces - un fourrage dans un but précis et dans une quantité précise (approche théorique vs empirique)
  • L’utilisation des fourrages, bien qu’obligatoire dans la réglementation bio : une pratique en marge ou répandue ?

Volailles


Les différents profils de parcours et leurs compositions
Trois profils de parcours ressortent :
- « Prairie » : correspond à un parcours caractérisé par la présence d’espèces sauvages et prairiales qui pouvaient être déjà implantées avant le lancement de l’exploitation, c’est un parcours qui n’a fait l’objet d’aucun travail ou d’implantation particulière (51% des répondants)
- « Vieille Prairie » : correspond au profil précédent avec une mention d’ancienneté précisée par l’agriculteur dans sa description (20% des répondants)
- « Parcours semé » : correspond à un parcours où ont été implantées des espèces prairiales ou fourragères particulières dans le but de valorisation par les animaux (29% des répondants)

Cette segmentation en seulement trois profils pour caractériser une grande diversité de parcours amène à envisager une tendance de sous-évaluation des bénéfices du parcours par les éleveurs avec seulement 1 tiers des éleveurs répondants qui ont implanté un parcours spécifiquement dans un but alimentaire.
Lorsque l’on se penche sur la composition végétale des parcours, au total 51 espèces différentes ont été citées pour une moyenne de 2,21 espèces citées par répondant. Parmi les familles, les principales citées sont les graminées à 31%, les adventices à 25% et les légumineuses à 17,64%. Au niveau des espèces, la première identifiée est très nettement le trèfle (cité à 52 reprises soit dans presque une réponse sur 2 (49%)). Ensuite les espèces les plus citées sont les graminées prairiales communes des régions enquêtées : ray-grass (33 fois cité), ray-grass anglais (15 fois cité), fétuque (22 fois cité), dactyle (21 fois cité), ou encore pâturin (10 fois cité). A quelques reprises des agriculteurs ont également cité le mot « graminées » sans distinction spécifique.
En parallèle de ces graminées on retrouve le rumex (Oseille crépue) et la luzerne qui sont sorties respectivement 11 et 7 fois. Dans le reste des espèces citées on retrouve principalement des adventices ou des espèces fourragères comme le colza, le radis ou encore l’ortie.

Les motivations et contraintes des parcours
Pour les motivations et les points forts à l’utilisation du parcours, le premier élément qui ressort est la valeur nutritionnelle. En effet pour 1 tiers des répondants cette valeur est non négligeable (bien que non connue) et représente la principale plus-value du parcours. Certains agriculteurs vont encore plus loin dans cette réflexion de valorisation puisque 15 % d’entre eux mettent en place une rotation des parcours avec un pâturage tournant pour avoir un parcours enherbé en permanence pour leurs poules (même avec les contraintes réglementaires interdisant de réduire la surface aux animaux) et enfin 3% pensent que le parcours permet de réaliser des économies d’aliments. Un second point fort mentionné est la capacité mellifère et de pollinisation des parcours (citée par 24% des agriculteurs répondants). Le plus souvent, ces agriculteurs avaient également des ruches et implantaient ainsi des espèces florales sur leurs parcours.

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La contrainte majeure présentée sur le parcours est l’entretien selon 55% des éleveurs, soit parce que le parcours se dégrade trop rapidement et ne résiste pas bien au piétinement, soit parce qu’une fauche est nécessaire pour ne pas laisser le parcours monter à épiaison et ainsi gâcher de la ressource. Un autre point faible du parcours identifié par 8 % des agriculteurs est la difficulté à mettre en place une rotation. Les contraintes réglementaires du cahier des charges bio imposent en effet une surface minimale accessible au animaux et le pâturage tournant dynamique n’est pas une pratique très répandue pour ces animaux. Enfin 8% des agriculteurs identifient l’appétence du parcours comme un point faible laissant envisager des marges de progression sur la composition végétale implantée.

Concernant les évolutions souhaitées pour les parcours par les agriculteurs répondants, elles font écho aux contraintes relevées sur les soucis de valorisation des parcours. Deux tiers des répondants ayant mentionnés des évolutions à venir prévoient d’instaurer un pâturage tournant dynamique ; un tiers a prévu d’augmenter la valeur alimentaire de son parcours en y implantant des espèces plus nutritionnelles et 11% ont aussi prévu d’améliorer l’appétence de leur parcours.

Les fourrages distribués : surtout du bien-être animal

Dans 1 exploitation sur 2 du foin est distribué aux volailles : il s’agit principalement d’un foin de luzerne ou d’un foin de prairie. Un affouragement en vert est également réalisé par 5% des éleveurs répondants (herbe tonte).
La principale motivation des agriculteurs à apporter du fourrage est qu’il constitue une source de bien-être (67% des répondants). L’apport de fourrage limite le picage entre les animaux et est mentionné par 18% des répondants. La valeur alimentaire des fourrages est mentionnée, elle, comme motivation par 17% des répondants.
Après avoir fait le tour des pratiques fourragères il était demandé aux agriculteurs de mentionner des fourrages qu’ils identifiaient comme potentiellement intéressants en élevage avicole la raison de cet intérêt. Le fourrage qui est le plus mentionné est la luzerne (15 fois citée), suivi des légumineuses (sans distinction spécifique, 5 fois citées) et le sorgho (4 fois cité).
Les principales raisons de cet intérêt sont : la valeur alimentaire, le taux de protéines intéressant et l’amélioration de l’appétence du parcours. Cette question a également amené 43% des répondants a exprimer un manque de connaissances sur les MP et de diffusion des organismes techniques des fourrages potentiellement intéressant à implanter ou à distribuer. Une autre partie des répondants (20%) ont exprimé que les fourrages n’avaient, selon eux, aucun intérêt dans l’alimentation de leurs volailles.

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Porcs


Parcours et composition végétale
Pour les répondants présentant du pâturage pour leurs porcs, trois profils ressortent également de l’enquête. A l’instar des parcours en volailles, les parcours sont catégorisés en :
- « Prairie » (73%)
- « Vieille prairie » (13%)
- « Parcours semé » (13%)
Les espèces présentent sur le parcours les plus citées sont principalement le trèfle, le Ray-Grass et le dactyle - principalement des graminées comme en volaille. On retrouve également ensuite le plantain, la fétuque, le rumex, la luzerne, le radis fourrager, la chicorée, le pois fourrager, le Ray-grass italien ou encore le pissenlit.

Les motivations et contraintes des parcours en porcs
Deux tiers des répondants ayant des parcours pour leurs porcs identifient la valeur alimentaire comme le principal point fort. Un tiers des répondants avec pâturage ont mis en place un pâturage tournant. Cette pratique est en effet plus facile à mettre en place en production porcine d’un point de vue réglementaire et traduit bien la volonté des agriculteurs de valoriser le parcours et sa valeur nutritionnelle. Tout comme en volaille, la principale contrainte identifiée par les agriculteurs est l’entretien des parcours (50% des répondants avec pâturage).
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Distribution de fourrage : une pratique plus répandue que le pâturage en porcs
La distribution de fourrages se pratique plus que du pâturage en porc. Ainsi, 65% des répondants distribuent du foin suivi de la paille, de l’enrubannage et des bouchons (tous cités respectivement par 15% des répondants). L’affouragement est pratiqué par 5% des agriculteurs interrogés et de manière plutôt occasionnelle.

Les deux motivations premières à la distribution de fourrage sont le bien-être (cité par 56%) et la valeur alimentaire (citée par 50%). L’apport de protéines est aussi cité par 22% des agriculteurs. Ainsi, contrairement en volaille où le fourrage distribué est majoritairement une source de bien-être, en porc il représente également une part de la ration distribuée. Les rations évoquées par les éleveurs de porcs sont d’ailleurs plus diversifiées qu’en volailles, avec notamment plus de co-produits introduits dans la ration (petit-lait, invendus de maraîchage, glands/châtaignes, son de céréales, etc).

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Tout comme en volaille, le fourrage identifié comme potentiellement intéressant par les répondants est la luzerne (sans précision de forme) suivi de l’ensilage (sans précision d’espèce) puis du foin (sans précision d’espèce). 55% des agriculteurs interrogés avaient déjà testé l’apport de fourrage dans la ration principalement via l’implantation de cultures fourragères pâturées par les animaux. 22% identifiaient des fourrages intéressants pour leur apport de protéines et 11% pour la potentielle économie d’aliment qu’ils pourraient réaliser. Les contraintes identifiées par les éleveurs par rapport aux fourrages se rejoignent car il s’agit à 27% du temps de travail supplémentaire que cela induit, et à 13,6% de la trop faible production de leurs élevages pour initier une charge de travail supplémentaire avec la distribution de fourrage.

L’enquête en bref

Cette enquête aura permis d’appréhender les perceptions et les pratiques fourragères des éleveurs de monogastriques bio. On a pu voir que les deux filières présentent un attrait et un usage différent des fourrages. Là où le fourrage est utilisé comme source de bien-être pour les volailles, il est utilisé comme une source alimentaire pour les porcins. Au niveau des parcours on peut tout de même déceler la même tendance : une volonté de valoriser la valeur nutritionnelle de son parcours au mieux soit par les espèces implantées soit par les pratiques associées (pâturage tournant, etc.).
Le pâturage et la distribution de fourrages sont des pratiques alimentaires menées en marge mais présentent un intérêt et une volonté d’acquisition de connaissances pour les éleveurs.
Les besoins de création de références au travers les essais en station et en fermes sont importants. Le fourrage est présenté comme une source alimentaire qui vient supplémenter la ration de base et non comme un produit qui peut venir substituer l’aliment. Les essais menés dans l’action 3 de Valorage présentent des résultats encourageant pourtant sur ce dernier point. L’intégration et la valorisation des fourrages en élevages de monogastriques bio est donc une thématique d’avenir qui ne demande qu’à se développer.


Cet article est une synthèse d'une partie du rapport de stage de Quentin LE BRICON, 2022.

Pour en savoir plus :
Projet Valorage
Site Alimentation 100% biologique des monogastriques
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