Toutes les questions/réponses sur l'Azote Lixivié


Le 10/04/2015 11:51, MINETTE Sebastien a écrit :

Bonjour à tous,
Je profite aussi du mail de Laurence pour vous faire part d’une interrogation, j’ai survolé rapidement les présentations (très intéressantes) et je n’ai vu aucun essai indiquant des mesures de diminution du lessivage des nitrates ?
Ma crainte est que les couverts avec des légumineuses « en pure » et des destructions précoces (avant céréales à pailles d’automne) n’engendrent un « risque de lessivage » de l’azote supérieur à un sol nu car la légumineuse va augmenter le pool d’azote disponible.
Je sais très bien que l’azote facilement disponible est le facteur limitant en AB, mais il ne faudrait pas que cet azote soit perdu par lessivage.
Désolé, je ne pouvais pas être présent à la réunion cette année et je n’ai pas pu vous exposer cette préoccupation.
Bien cordialement
Sébastien Minette

Le 10/04/2015 14:34, gilles.salitot@agri60.fr a écrit :

Bonjour Sébastien,

j'ai réalisé une courte intervention lors de la journée couverts végétaux du 4 mars qui allait dans le sens de tes propos. Nous disposons progressivement en Picardie d'un réseau de mesures de reliquats azotés entrée hiver qui indiquent clairement que les intercultures légumineuses engendrent des risques à priori élevés de lixiviation des nitrates. La destruction à la sortie de l'hiver des couverts TB est absolument indispensable, dans le nord de la France.

Les premières mesures réalisées sont sans appel. J'en ai fait part aux participants à la journée sur les couverts végétaux.

Voici les quelques diapos proposées ce jour-là. Les deux dernières appuyaient mes propos. Suivi_d__un_test_de_gestion_des_chardons_dans_TB___Picardie.pdf (0.7MB)
Bien cordialement

Gilles SALITOT

Le 10/04/2015 15:08, COHAN Jean-Pierre a écrit :

Bonjour,
Pour alimenter le débat, ci-joint une communication réalisée l’année dernière sur (entre autres) ce sujet. WorkShopN2014_PosterLEG_VDEF_ssPhoto.pdf (0.1MB) Désolé pour l’anglais. Je serai moins catégorique que vous car le risque accru de lixiviation après couvert de légumineuse va aussi dépendre de la dynamique de drainage du site.
Selon les résultats analysés, pour des destructions de légumineuses pures mi-novembre et un drainage qui dure au max jusqu’en février, on retrouve généralement une limitation de la lixiviation par rapport au sol nu. Elle est moins forte qu’avec un couvert de non légumineuse ou un mélange non-lég/lég mais c’est quand même mieux que de laisser le sol nu. L’expertise scientifique collective INRA dirigée par Eric aboutit à la même conclusion.
Par contre, si on a un drainage qui dure plus longtemps ou une reprise de drainage tardive en mars/avril, on peut en effet perdre de l’azote nitrique issu de la minéralisation importante du couvert de légumineuse pure détruit en novembre. Nous l’avons vu sur les lysimètres de notre station du Magneraud. Dans ces situations, il faut privilégier l’implantation de cultures de printemps précoces (orge de printemps au lieu d’un maïs par exemple) pour commencer à absorber plus tôt, et/ou décaler la date de destruction du couvert à la sortie de l’hiver pour que la cinétique de minéralisation des résidus ne soit pas en plein boom alors que le drainage est encore très actif.
On peut aussi regarder du côté les mélanges qui concilient à la fois un effet CIPAN équivalent aux non-légumineuses et un effet fertilisant plus important que ces dernières (mais moins fort que la légumineuse pure).
Bien cordialement
Jean-Pierre COHAN


Le 12-04-2015, Daniel Jamar a écrit :

Bonjour à tous

Merci pour l'alimentation du débat, voici une autre contribution au repas, nous ne sommes pas encore débarrassés des couverts

La question des pertes d'N par lixiviation recouvre en réalité deux aspects distincts que l'on a tendance à confondre ce qui brouille la discussion

  • 1° L'aspect environnemental c'est à dire la pollution de l'eau des nappes par les nitrates : cet aspect doit être raisonné au niveau de l'ensemble du système (assolement, successions des cultures, pratiques de fertilisations .... on ne peut réduire cette question à l'échelle d'une seule culture.
  • 2° l'aspect agronomique : quel dommage de perdre ces unités d'azote durement acquises dont la culture suivante aura cruellement besoin. Cet aspect se discute à l'échelle d'une parcelle au cours d'une succession de deux cultures séparées par un couvert

Ce dont nous parlons ici, dans le cas des couverts végétaux, est donc essentiellement de l'aspect agronomique de la lixiviation. Non que l'aspect environnemental soit secondaire mais parce cet aspect environnemental ne peut être traité à l'échelle de la parcelle entre deux cultures.

Au niveau agronomique, à l'échelle de la parcelle, la présentation d'Hélène Tribouillois a montré qu'en valeurs absolues moyenne :
- l'azote incorporé dans les tissus aériens (maintenu dans le système) varie comme suit (dia 11):
  • L ? M ? NL écarts de +30 et +50 uN/ha
- l'azote fixé (introduit de l'atmosphère dans le système) varie comme suit (dia 11) :
  • L > M > NL écarts de +67 et +35 uN/ha
  • l'azote lixivié* (perdu pour le système) varie comme suit (dia 14):
    • L > M ? NL écarts de +10 et +3 uN/ha *donné pour Auzevillz
- l'azote restitué à la culture suivante (N agro directement utile) varie comme suit (dia 16) :
  • L > M > NL écarts de +11 et +12 uN/ha

D'après ces chiffres, (confirmés par Cohan J.P.et al 2014) en moyenne, si le principal facteur limitant pour la culture suivante est l'azote,
- soit c'est le choix d'une légumineuse pure comme couvert intermédiaire qui s'impose :
  • l'apport d'N peut atteindre 65 uN/ha (dia 16) ; d'après Jean-Pierre ça peut aller jusqu'à plus de 100 )
- soit on change de culture suivante
Ça c'est pour les valeurs moyennes mais si on regarde les couples M=1L+1NL au cas par cas, Hélène montre (dia 17) que :
- certains couples font mieux en service engrais verts (fertilisant N) que les légumineuses pures (108% à 143% suivant les sites)
  • => Si on connaît les règles d' "accouplement" alors c'est la combinaison d'une L et d'une NL qui s'impose

Ensuite il est nécessaire de confronter ce constat aux autres services agronomiques attendu des couverts :
- la gestion des adventices
- la gestion des maladies
- la structuration du sol
- l'accumulation d'humus (stabilisation de la structure) et de matières organiques minéralisable à plus long terme (récupérer plus tard l'azote fixé)
- la mobilisation du Phosphore (plantes habiles à former des mycorhizes comme la phacélie)
- la diversité microbiologique du sol, notamment des fongiques

Si nous suspectons d'importantes fuites d'azote - comme sur les fortes terres de Picardie - faire l'impasse sur le couvert n'est peut-être pas la solution, envisager plutôt un couvert doué, outre pour l'effet cippan, d'une autre fonctionnalité que la fourniture d'azote.
En particulier nous aurons à mieux connaitre la fonctionnalité de chaque plante (de couverture mais aussi de culture principale) et de leurs associations vis à vis de ces services pour raisonner leur utilisation non seulement en fonction de la culture suivante mais également à l'échelle du système (rotation ...), tout un programme.

Enfin nous ne ferons pas l'impasse de vérifier que notre système de culture agronomiquement vertueux et économiquement rentable, est aussi écologiquement soutenable, notamment pour la qualité des eaux des nappes. C'est là qu'il faut aussi relativiser les chiffres : Juste et al 2012 cité par Jean-Pierre (http://www6.paris.inra.fr/depe/Projets/Cultures-Intermediaires) indiquent clairement que l'effet Cipan est dépendant d'une multitude de facteurs (date de levée, date de destruction, pédoclimat, ....) et en particulier de l'état du reliquat azoté du profil après la récolte de la culture qui précède le couvert. Les estimations produites sont toutes issues de systèmes conventionnels, sont-elles transposables au cas particulier des systèmes bio ??

Le suggère notamment que des estimations et références soient produites pour le cas particulier des semis de couverts anticipés sous couvert de la culture principale, technique de plus en plus utilisées par les agribios et autres tenant de l'agriculture de 3e type. Cette technique est d'ailleurs soulignée par Juste et al 2012 comme perspective pour obtenir un effet CIPAN positif des couverts dans le cas d’une culture principale antécédente dont la récolte est tardive (maïs, par exemple)

Désolé de compliquer les choses. Disons que les simplifier pousse à se tromper

Bien à vous
Daniel