SANTE DES PLANTES

GESTION GLOBALE DE L'AGROSYSTÈME :
Le principe fondateur de la production biologique étant de ne pas avoir recours aux produits issus de la chimie organique de synthèse pour la gestion des adventices, des bio-agresseurs (ravageurs, pathogènes) et pour la fertilisation, il est nécessaire denvisager différemment la façon de produire, notamment en basant la production non pas sur lusage de produits curatifs, mais sur la prophylaxie et sur les principes de base de lagronomie : mise en place de rotations longues, associations culturales, amendements et engrais organiques
Lobjectif est de créer des conditions propices au développement des cultures et défavorables à celui des
bio-agresseurs et des adventices, c'est-à-dire chercher à recréer dans le système agricole, les équilibres écologiques dynamiques qui existent dans la nature.
Tous les éléments vivants (plantes, animaux) et inertes (sol, eau, air) étant en interaction, il est essentiel de considérer le système agricole (ou agro-système) dans sa globalité : cultures, sol, environnement de la parcelle, et dagir sur plusieurs paramètres en tenant aussi compte des influences de lenvironnement extérieur à la ferme (cultures et pratiques culturales du voisinage, paysage ). Ainsi, face à une prolifération de bio-agresseurs, le raisonnement nest plus : « quel produit va permettre de les éliminer ? », mais plutôt « comment est-il possible de restaurer un équilibre ?», et donc denrayer la prolifération, même si dans certains cas le recours à un bio-pesticide peut être utile pour « sauver » la récolte en attendant que des
équilibres se remettent en place.
Par définition, un système agricole productif, même peu intensif, est déséquilibré puisquon favorise une espèce (la culture) au détriment de toutes les autres. Plus le système est artificialisé (faible biodiversité naturelle) et monocultural (faible biodiversité cultivée), dans lespace (monoculture) et dans le temps (rotation courte voire inexistante), plus les risques de prolifération des ravageurs et des maladies sont
importants, une fertilisation excessive ou inadaptée aux besoins physiologiques de la culture étant un facteur aggravant. Si l'on considère que la prolifération (et non pas la simple présence) des bio-agresseurs résulte dun déséquilibre du système agricole, alors, en agriculture biologique, où il existe très peu de moyens de lutte directe, il est primordial de favoriser la régulation naturelle des bio-agresseurs et la
résilience du système face aux différentes agressions (biotiques ou abiotiques) :
- en introduisant de la biodiversité en créant ou en permettant le développement dun environnement des parcelles favorable à linstallation de la faune auxiliaire par la présence dabris et de nourriture : bandes enherbées, haies fleuries, zones de végétation naturelle
- en complexifiant le système : parcelles de taille limitée, espèces et variétés cultivées diverses et adaptées au contexte pédo-climatique, rotations longues et diversifiées, associations despèces végétales ligneuses et herbacées, agroforesterie...
Quant à la maîtrise des adventices, elle se fait par des moyens mécaniques et/ou thermiques et par des techniques agronomiques : rotations, paillages, engrais verts, semis sous couvert. Ce principe fondamental de prévention est présent dans la réglementation européenne sur lagriculture biologique : « la protection des cultures doit être basée sur la préservation de la santé des végétaux au moyen de mesures préventives, notamment en choisissant des espèces et des variétés appropriées et résistantes aux nuisibles et aux maladies, en assurant dûment une rotation appropriée des cultures, en recourant à des méthodes mécaniques et physiques et en protégeant les prédateurs naturels des nuisibles ». La réglementation est donc claire, lagrobiologiste doit mettre en place toutes les mesures agronomiques nécessaires pour éviter
lapparition et le développement des ravageurs et des maladies en donnant à la culture les moyens de se défendre par elle-même et en aménageant son environnement pour permettre la régulation naturelle des ravageurs et des pathogènes.
Ce chapitre est consacré aux moyens indirects quil est possible de mettre en oeuvre dans un système maraîcher afin de prévenir la prolifération des maladies et des ravageurs. Sont principalement abordés ici les aspects concernant lagro-écologie (biodiversité fonctionnelle) et limportance des choix variétaux. Les aspects agronomiques (rotations) ont un chapitre dédié. Les éléments spécifiques de chaque légume sont présentés dans les fiches techniques par espèce.
Pour aller plus loin :
- Livret de la haie champêtre en Gascogne de Arbre et Paysages 32 sur www.arbre-et-paysage32.com Voir le livret
- Boîte à outil pour la plantation de haies de la Chambre dagriculture du Centre sur Voir
- Maraîchage bio sous les arbres - Denis Flores (Hérault) (agroforesterie) Voir la vidéo de l'AFAF
- Site du Réseau Maraîchage sur Sol Vivant Voir
- Bandes fleuries : quelles espèces sont les plus intéressantes ? Synthèse Iteipmai
- Fiches techniques sur les aménagements agricoles par Agriculture et Environnement en Languedoc-Roussillon : Voir
- Gestion agroécologique des punaises du chou grâce aux plantes pièges J. Lambion (GRAB), Conférence Tech&Bio PACA 2018
MOYENS DE LUTTE DIRECTE POUR MAÎTRISER LES BIO-AGRESSEURS
Ce chapitre consacré à la lutte directe traite principalement des produits permettant de limiter (préventivement ou curativement) les dégâts aux cultures causés par les ravageurs et pathogènes désignés sous le terme générique de bio-agresseurs*-. Il aborde les aspects règlementaires de lutilisation des substances et produits de protection des cultures autorisés en AB. Cependant, lapplication dun produit nest pas le seul moyen de lutte directe contre les bio-agresseurs, lutilisation des filets anti-insectes
ainsi que les méthodes thermiques ont donc été également inclus dans ce chapitre. En effet, les premiers visent à perturber directement les ravageurs et à les empêcher datteindre les cultures quils convoitent, et
les secondes (solarisation et désinfection vapeur) sont utilisées principalement en curatif pour détruire les pathogènes du sol ainsi que les adventices (graines et plantules). Rappelons que les moyens de lutte directe, notamment lutilisation de produits biocides ne doit être envisagée qu'en dernier recours, lorsque les méthodes préventives se sont révélées insuffisantes pour contrôler les bio-agresseurs.
Pour aller plus loin :
- Guide des produits de protection des cultures utilisables en AB en France (7e version). Réalisé par l'ITAB, validé par le CNAB le 24 mars 2015 Voir
- Dérogations produits Voir celles en cours
- Substances de base (prêle, chitosan....) Voir
- Lutter contre les nématodes à galles en Agriculture biologique
- FIBL Protection des plantes maraîchères
- Punaises Pentatomidae des cultures maraîchères: Lutte Biologique avec des parasitoïdes (A. Bout, INRA), Conférence Tech&Bio PACA 2018
PRINCIPAUX RAVAGEURS DES LÉGUMES
En raison des conditions de production relativement intensives et artificialisées des systèmes maraîchers, notamment sous abris, les risques de prolifération de ravageurs sont importants. Les moyens de lutte directe disponibles étant très réduits, il est primordial de bien connaître la biologie des ravageurs, de mettre en place des mesures préventives pour éviter leur installation et deffectuer une surveillance vigilante afin dintervenir le plus précocement possible en cas dattaque.
Les ravageurs spécifiques dune espèce sont traités dans les fiches techniques espèce correspondantes.
Pour aller plus loin:
- Encyclopédie pucerons de l'INRA Voir
- Encyclopédie des ravageurs européens de l'INRA Voir
- Reconnaissance des principaux lépidoptères des cultures maraichères et des fraiseraies Chambre d'agriculture/Fredon Voir
- Reconnaisse des insectes sur insectes-net.fr
- HYP3 : agents pathogènes (bactéries, champignons, virus) importants en Europe occidentale INRA Voir
- Cahier technique protection des tomates sous abri contre Tuta absolutaVoir
- Ennemis communs aux cultures légumières en AB :
- Lépidoptères ravageurs en légumes biologiques : Fiche 1 et Fiche 2
- Lutter contre les nématodes à galle en AB
- Protection phytosanitaire en culture de pomme de terre biologique :
PRINCIPALES MALADIES DES LÉGUMES
En production maraîchère, les conditions de production sont souvent relativement intensives, notamment sous abris : fertilisation, irrigation, fréquence dans les rotations despèces dune même famille botanique sont propices au développement de maladies. Elles peuvent être fongiques, bactériennes ou virales et concernent aussi bien les organes aériens que les organes souterrains. Comme pour les macro-organismes, les relations entre les micro-organismes du sol, mais également à la surface (et dans) les organismes vivants, sont régies par des équilibres complexes. La prolifération dune espèce aux dépens des autres est la conséquence dune perturbation (plantation, repiquage, opérations culturales, blessures ) et/ou de conditions interne et/ou externe (température, humidité, carence ou excès en nutriment, monoculture, densité trop élevée ) qui vont favoriser le pathogène au détriment de lhôte. Soit léquilibre se rétablit naturellement, soit une intervention extérieure est nécessaire pour rétablir des conditions défavorables au pathogène ou pour le détruire directement. Les méthodes de lutte directe contre les maladies sont extrêmement réduites en agriculture biologique, la prévention et la gestion globale du système doivent être les moyens privilégiés pour maintenir les équilibres et éviter ainsi les proliférations de pathogènes.
Les cultures de légumes sont également menacées par des maladies virales, le plus souvent transmises par un insecte piqueur-suceur (puceron, aleurode ou thrips). La lutte contre ces viroses passe donc par la maîtrise de leur vecteur, pour les méthodes de lutte il faut donc se reporter au chapitre concernant les ravageurs.
En résumé:
Les maladies des légumes sont causées soit par des champignons, soit par des bactéries, soit par des virus.
- Champignons des parties aériennes :
- Mildious. Prophylaxie : rotations longues, fertilisation azotée correctement dosée, variétés tolérantes ou résistantes, effeuillage, plants sains. Lutte directe : cuivre
- Oïdiums. Prophylaxie : mêmes conseils que pour les mildious. Lutte directe :
- Anthracnose, Alternariose, Botrytis : méthodes préventives uniquement.
- Champignons telluriques :
- Sclérotinia (« pourritures blanches »). Prophylaxie : rotations, travail du sol, variétés. Lutte directe : champignon antagonistes
- Fusariose, Verticiliose, Rhizoctone brun : méthodes préventives uniquement
- Fonte des semis (complexe de plusieurs champignons) : méthodes préventives uniquement.
- Bactéries pathogènes : essentiellement Pseudomonas sp. et Xanthomonas sp. Prophylaxie : semences et plants sains. Lutte directe : cuivre.
- Viroses : les virus sont transmis aux plantes par l'intermédiaire d'un vecteur, le plus souvent un insecte piqueur-suceur (puceron, aleurode, thrips). Méthodes préventives uniquement : semences et plants sains, variétés tolérantes ou résistantes, lutte contre les insectes vecteurs.
Pour aller plus loin:
- Ennemis communs aux cultures légumières en AB :
- Protection phytosanitaire en culture de pomme de terre biologique :
- Identifier les maladies des cultures avec Diagnoview
PROTECTION BIOLOGIQUE DES LÉGUMES
La définition de la protection (lutte) biologique donnée par les statuts de lOILB est la suivante : « Utilisation par lhomme dennemis naturels tels que prédateurs*, parasitoïdes* ou agents pathogènes pour contrôler des populations despèces nuisibles et les maintenir en dessous du seuil de nuisibilité ».
Elle ne vise donc pas léradication du ravageur mais sapplique principalement à réduire sa nuisibilité. Elle peut aussi concerner le contrôle des maladies. Ce guide présente ses applications pour la protection des cultures mais elle est aussi utilisée en élevage pour combattre certains parasites du bétail, et dans des domaines non agricoles notamment pour lutter contre les espèces envahissantes. Son principal avantage est déviter dutiliser des substances biocides* traumatisantes pour léquilibre des écosystèmes, susceptibles de laisser des résidus dans les aliments et/ou lenvironnement (eaux, sol, air), et potentiellement nocives pour lutilisateur.
Contrairement à ce que le nom pourrait laisser penser, la protection biologique nest pas réservée à lagriculture biologique, elle est aussi largement utilisée en agriculture conventionnelle, notamment sous abris.
Dans ce chapitre, il sera principalement question de la protection biologique au sens strict cest-à-dire lorsquil y a une intervention directe de lagriculteur pour introduire un organisme capable de réguler voire réduire les populations des ennemis des cultures. Les méthodes indirectes visant à encourager la mise en place déquilibres naturels et à favoriser la présence et le développement des auxiliaires indigènes* sont traitées particulièrement dans le chapitre sur la biodiversité fonctionnelle.
- Résumé :
Les principales méthodes de lutte biologique sont :
- la lutte par conservation : il sagit de préserver voire de favoriser les auxiliaires naturellement présents dans et aux abords des parcelles cultivées
- la lutte par introduction-acclimatation : il sagit dintroduire un auxiliaire non indigène* avec lobjectif quil sacclimate et contrôle durablement un ravageur. Cette méthode présente des risques pour les écosystèmes : un auxiliaire aujourd'hui peut devenir un ravageur demain !
- la lutte par lâchers d'auxiliaires indigènes (ou non indigènes mais dont on est certain qu'ils ne se maintiendront pas d'une année sur l'autre) :
- Les lâchers inoculatifs : les auxiliaires sont introduits en petite quantité, lobjectif étant quils sinstallent dans le milieu et se multiplient rapidement. Pour que leur population atteigne un niveau suffisant avant l'apparition du ravageur, ils ont souvent besoin d'un hôte intermédiaire.
- Les lâchers inondatifs : les auxiliaires sont introduits en grande quantité, ils sont immédiatement actifs sur les populations de ravageurs qui doivent être déjà bien présents au moment de lintroduction.
Certains produits phytopharmaceutiques utilisables en AB sont loin dêtre anodins pour les auxiliaires, cest le cas du spinosad, du soufre et des pyrèthres, qui peuvent avoir des effets dépressifs importants sur certaines espèces dauxiliaires.
Pour aller plus loin:
- Guide des produits de protection des plantes utilisables en AB : http://www.itab.asso.fr/activites/guide-intrants.php
- Portail INRA ephytia sur la santé des plantes : Voir
- Les auxiliaires communs en cultures légumières biologiques
- Site du projet Muscari : Mélanges Utiles aux Systèmes de Culture et Auxiliaires pour favoriser une Réduction des Intrants
- Guide pour aider à la mise en place de biodiversité fonctionnelle à la ferme, réalisé par le Fibl.
- Publication suisse sur limportance des pollinisateurs sauvages. Fiche en téléchargement gratuit.
- Synthèse technique sur lalutte biologique par conservation et gestion des habitats
- Portail Québecois sur la lutte intégrée
- Base de données sur la reconnaissance des ravageurs, auxiliaires, ...
- Vidéo réalisée par Solagro dans le cadre dOsaé: implantation de la bande fleurie chez lagriculteur: Comment favoriser les auxiliaires des cultures?
Comment favoriser les auxiliaires de cultures sur mon exploitation ? from Solagro on Vimeo.